N°1- Euromed, etc… La fête n’est pas finie !

Déjà bien entamée, la restructuration de Marseille et sa région se poursuit à un train d’enfer. Profitant de la dynamique de Marseille-Provence 2013 en terme d’image,  d’afflux de capitaux et de touristes, la mairie, la métropole, Euroméditerranée et l’Etat entendent bien continuer de cueillir les fruits juteux (mais néanmoins moisis) de la rénovation urbaine.

Euromed est parvenu à muséifier le quartier du Panier, à aseptiser le Vieux-Port, à transformer la Joliette et la rue de la République en déserts où seuls poussent l’ennui et la marchandise… Mais les investisseurs et les urbanistes ne sont jamais rassasiés et les pelleteuses avancent encore. Euromed 1 à peine passé, place à la seconde phase : déjà la Canebière, Noailles et la Plaine sont dans le viseur des aménageurs de territoire, toujours avec la même intention : adapter la ville aux besoins du profit et aux nécessités du contrôle.

Aussi les travaux annoncés se multiplient, pour n’en citer que quelques-uns : le Castel à la Joliette, l’hôtel de luxe à Noailles, la rénovation de la Plaine, le projet Smartseille dans le 15ème, et des pans de quartiers entiers vers le boulevard National, à Saint-Mauront et à Lodi.
Et qui dit chantiers dit cohorte de charognards qui se pressent au banquet : la « bande des trois salopards » : Eiffage, Bouygues et Vinci,  mais aussi Nexity et Icade, sous les bons offices de la Soleam, se partagent les parts du marché.

On peut citer un larbin quelconque de la mairie, qui emploie des termes très clairs à ce sujet : « Dans toutes les villes, on constate la même chose : une inversion de la spirale du déclin dès qu’un élément fort apparaît ». La spirale que les gestionnaires de nos vies comptent favoriser consiste à chasser les populations trop pauvres et/ou trop indisciplinées pour les confiner plus loin dans des zones délimitées, et à « amener d’autres populations » (comprendre au porte-feuille bien garni) dans le centre, selon un mécanisme déjà bien connu.
Pour cela, la RTM, gestionnaire des transports à Marseille, collabore autant qu’elle peut, par exemple avec ses horaires qui se terminent assez tôt en soirée pour faire comprendre aux pauvres qu’il ne faut pas rester trop tard à zoner dans le centre-ville.

Mais qui dit chantiers dit aussi opération policière: les expulsions, les rafles, les arrestations vont de pair avec la rénovation, aussi rien d’étonnant à ce que la police municipale ajoute les armes à feu dans son arsenal, que les caméras de surveillance soient installées par centaines (et bientôt dotées de logiciels « intelligents ») pour dissuader les actes d’insoumission et faciliter le travail des condés. Rien d’étonnant à voir patrouiller des uniformes floqués de la mention « police de la propreté ». Rien d’étonnant non plus à ce que la rénovation des Baumettes soit l’un de ces grands chantiers en cours, ville et prison tendent en effet à se ressembler de plus en plus : dans l’une comme dans l’autre, les indésirables (de plus en plus nombreux au fil du temps) sont séparé-es, parqué-es, surveillé-es et enfermé-es, avec les matons d’un côté du mur, les flics et les militaires dans les rues, et la justice qui fait le tri, avec ses « aménagements de peine » qui étendent la toile du contrôle et de la punition : bracelets électroniques, contrôles judiciaires, assignation à résidence…

Rien de bien nouveau sous le soleil, car la ville a toujours été pensée, crée et transformée par les riches et les puissants, et pour leurs intérêts.

Plus encore, elle est parcourue par les rapports d’exploitation et de domination et les idéologies dont est tissée la société : racisme, sexisme, économie (formelle ou non), enfermement identitaire, communautaire, religieux… rapports qui sont à combattre au même titre que les structures physiques du pouvoir, les uns et les autres garantissant le maintien d’une certaine « paix », l’autre nom de la guerre aux (et souvent entre) pauvres.  Hors de question de se  réaproprier cette « prison sociale », de la cogérer ou de la laisser debout !

Mais qui a dit que nous devrions avoir des décideurs, des représentants au-dessus de la tête ? Et qui pense encore qu’il faille dialoguer avec eux, négocier la couleur et la longueur de nos chaînes, discuter des détails de la cage dans laquelle nous vivons ?

Contrer les petits et grands projets du pouvoir, repérer et saboter les sources d’alimentation (flux, transports, énergie..) qui sont nécessaires à toutes ces nuisances, bloquer de mille manières des travaux, semer le grain de sable qui enrayera la machine, mettre des bâtons dans les roues des constructeurs et des promoteurs, s’attaquer aux caméras, gêner et empêcher les opérations des flics chaque fois que c’est possible, autant de propositions qu’il est possible de partager et de mettre en pratique de façon autonome.

Et en chemin, répandre les désirs de liberté, contre cet univers de flics, de fric et de barbelés.

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