N°1 – « Y a personne qui t’appartient! » (et paf, le patriarche)

Un matin, quelque part dans Marseille…

Un type, la soixantaine, traîne derrière lui trois enfants dont une petite fille en pleurs. Elle se justifie, hoquette. Il l’accuse, l’humilie, la menace. Lui dit qu’ « elle n’est pas sage », qu’il va la renvoyer chez elle, lui mettre une fessée. Il se répète, assis sur son piédestal, sa légitimité puante de patriarche. Celui qui, il n’y a pas si longtemps encore, avait le droit de vie ou de mort sur sa descendance. Autour personne ne bouge. Il n’y a pas grand monde pour réagir face à la violence « ordinaire »  dont sont tissés les rapports sociaux  (racisme, sexisme/homophobie, violence d’État…). Toute celle (viols/incestes/coups, etc etc etc) qui s’exerce au sein de la sphère familiale (homme/femme, parents/enfants) est franchement taboue. Il paraît que les « histoires de couple » ne concernent personne d’autre. Il paraît que c’est aux parents SEULES de décider de l’éducation de leurs enfants (comprendre : leur propriété) et que les seules personnes extérieures habilitées à intervenir seraient les uniformes. Mais c’est quoi ces conneries ? C’est de la violence, de l’humiliation en barre, ce qu’il est en train de lui faire vivre.Au yeux de tousTEs ces passantEs , elle doit être trop insignifiante pour être considérée. Cinq ans et demie : presque rien dans ce monde pensé par et pour les adultes : une individualité de plus à soumettre, pour en faire un petit clone docile. Et quoi de mieux, avant de la formater, que de l’empêcher de prendre confiance dans son intelligence et son autonomie? Ce patriarche est tombé sur un os. Au milieu de l’indifférence générale deux passantEs sont venues  entraver le cours tranquille de sa domination. Certaines personnes refusent de déléguer ce qui les concerne aux uniformes et cette fois-ci la solidarité ne s’est pas faite entre adultes. Il y a fort à parier qu’il se sente un peu moins à l’aise à l’avenir, celui-là. « Patriarche de merde ! »

À celles et ceux qui en doutent, MÊME à cinq ans et demie ça avait l’air bon d’être prise en compte, d’entendre quelqu’un dire que rien ne justifiait « ça », que personne ne devait lui donner d’ordres, ni lui parler mal. Ni prof, ni (grand) parents. Et surtout que le statut d’enfant s’arrête, un jour, qu’il y a un temps d’après et qu’elle dessinera, elle. À moins qu’elle ne décide, sans attendre jusque-là, de se rebeller contre ceux qui voudraient la dresser… ?

Éduquer c’est toujours formater : sabotons/ désertons la machine à transformer des mômes en  garçons   ou en filles, à (re)produire des citoyenNEs, consommatrices et travailleurs.

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