Archive for septembre, 2016

N°4 – PDF

mercredi, septembre 21st, 2016

N°4 – PDF

Une feuille d’agitation pour mettre en lien des idées  et des gestes qui nous parlent de désirs d’en finir  (et plus vite que ça) avec tous les rapports de domination qui structurent cette société mortifère.

Un outil qui veut se donner le temps de susciter des rencontres et d’approfondir des analyses loin  du rythme frénétique d’internet où, trop souvent, les opinions tournoient sans s’incarner  ni porter à conséquences.

 Du papier pour s’affuter. Du papier pour foutre le feu!

N°4 – Ni États ni frontières, liberté pour tous-tes!

mardi, septembre 20th, 2016

Mi-août, une trentaine de personnes s’invitent au marché de Sospel, un village de 3500 habitants situé dans les Alpes-Maritimes, pour s’opposer à la présence militaire et aux arrestations massives de personnes migrantes (et rendues « illégales » par les États) qui ont lieu quotidiennement dans cette région limitrophe de l’Italie… Après cela, ils et elles se sont dirigé-es vers la gare pour tenter d’empêcher les rafles qui y sont effectuées avec l’aide servile de la SNCF, tristement connue pour être un des fidèles rouages de la machine à expulser.

le tract suivant a été distribué :


À Sospel comme ailleurs, ni armée ni frontières !

À Sospel, depuis trois semaines, 60 militaires sont présents dans le village, officiellement « pour couvrir un large territoire allant de Breil à Menton […] dans une mission d’antiterrorisme et non de contrôle des migrants ou de fonction policière » comme l’indique l’article du 10 août paru dans Nice Matin. Or l’action quotidienne des militaires démontre bien le contraire. La vallée de la Roya devenant un lieu de passage de la frontière, les militaires participent effectivement aux contrôles opérés dans les trains et sur les quais, ciblant ainsi toute personne n’ayant pas le bon faciès. Les migrants passant depuis quelques mois dans la vallée sont donc systématiquement arrêtés et expulsés.

En effet, depuis quelques mois, la situation à Vintimille est de plus en plus tendue, les rafles et les contrôles rendent la traversée de la frontière très difficile et incitent les candidats au passage à modifier leur parcours. Par conséquent, les forces répressives se déplacent elles aussi, comme en témoigne l’occupation des villages et des sentiers par la soldatesque armée jusqu’aux dents.

La politique générale de fermeture des frontières et la présence sécuritaire quotidienne se concrétisent ainsi non seulement aux frontières, mais aussi jusqu’à l’intérieur du territoire. On a vu il y a quelques jours plus de 200 personnes partir en courant à travers le poste de douane à Menton se faire refouler, matraquer, gazer au lacrymogène puis, pour la majorité, expulser. Au camp soidisant « humanitaire » de la Croix Rouge de Vintimille, où plus de 500 candidats à l’exil s’entassent dans des préfabriqués, les policiers surveillent faits et gestes et l’accès à la nourriture et à l’hygiène sont soumis à condition. Les brimades et humiliations sont quotidiennes.

Les alibis permettant la répression ne manquent pas. De la menace terroriste à celle des militants « No border », tout est bon pour justifier les intérêts du capital européen. Un arrêté préfectoral interdit dans toute la vallée de la Roya tout rassemblement de plus de deux personnes : les temps sont si sombres que même randonnée, pique-nique et discussion autour du nomadisme sont proscrits. En quelques jours, lors d’un campement organisé côté italien et pendant une manifestation prônant la libre circulation des personnes, plus d’une cinquantaine de personnes ont été arrêtées, contrôlées, et se sont vu délivrer les désormais habituelles « foglio di via », mesure administrative arbitraire interdisant l’accès au territoire italien pour des durées allant jusqu’à 5 ans.

Ainsi, si en France le déploiement de l’armée dans les villes et villages se généralise, particulièrement depuis la proclamation de l’état d’urgence, le contrôle militaire des frontières est issu d’un processus plus large et déterminé en fonction des besoins des États dominants. Construction de murs, déploiement de barbelés, création de forces spéciales d’intervention… aussi bien à l’intérieur des pays européens que dans les pays de provenance ou de transit : la logique reste la même et le blocage effectif.

Les populations sont déjà confrontées aux guerres d’intervention des puissances occidentales dans des pays comme la Syrie, le Mali, l’Irak, l’Afghanistan, pour ensuite retrouver ces mêmes forces armées qui les bloquent dans leur exil. Ici comme ailleurs, l’armée joue son rôle de contrôle de la population, et qu’elle soit présentée comme force défensive, de surveillance ou de protection, n’oublions pas qu’un fusil reste un fusil, et qu’il n’a pour autre but de servir l’ordre des puissants.

La guerre nous concerne tous directement,
à chacun de nous de s’y opposer !

N°4 – Assassinat d’Adama Traoré: vengeances et attaques

mardi, septembre 20th, 2016

Le 19 juillet dernier, Adama Traoré est tué lors de son arrestation par les gendarmes de Persan- Beaumont (Val d’Oise). Une fois de plus, les keufs ont butté quelqu’un parce que noir, pauvre et trop rétif (Adama avait réussi à leur échapper deux fois au cours de l’après-midi). Comme toujours les médias se sont fait les portes voix des charognard-es en blouses blanches (et leurs rapports d’autopsie bidons et contradictoires) et des mensonges éhontés des flics, tentant de transformer en attente (de leurs expertises, de la justice et de sa « vérité ») la rage provoquée par la mort d’Adama. Les différents appels au calme et à la « dignité » n’ont pas réussi à désamorcer la colère…

une-voiture-de-police-incendiee-par-des-manifestants-anti-police-a-paris-le-18-mai-2016_5599971Des émeutes ont éclaté dans les nuits qui ont suivi dans plusieurs communes autour de Beaumont-sur-Oise, durant lesquelles la vengeance a choisi ses cibles : véhicules des flics criblés de plomb, entreprises, pompes à essence et garage de la police municipale incendié-es, mortiers, tirs de chevrotine et Molotov pleuvant sur les robocops, voitures cramées par dizaines, mairie et écoles également attaquées. Et ce malgré les centaines de flics dépêchés sur place. Le 22, une marche a réuni plusieurs milliers de personnes, « marche blanche » pour certain-es, véritable manifestation de colère pour bien d’autres, criant « assassins » à la face des gendarmes présents.
Le 22 puis le 24, à Mantes-la-Jolie (Yvelines), les flics attirés par des incendies sont pris dans des guet-apens où ils se mangent Molotov, pierres et tirs de mortiers de feu d’artifice. Pendant les affrontements, des cris sont lancés en mémoire d’Adama.
Le week-end du 23-24, une salle de sport est incendiée à Tremblay-en-France (Seine-Saint-Denis), avec sur le mur du gymnase une inscription pour Adama.
Ce même week-end, à la prison d’Osny (Val d’Oise), une centaine de détenus présents dans la cour de promenade refusent de remonter en cellule et incendient des draps, en arborant des t-shirts faisant référence à la mort d’Adama. Les Eris (unités anti-émeute en prison) sont envoyées sur place, et plusieurs détenus sont transférés pour briser cette action collective et empêcher qu’elle perdure durant l’été. Un bel exemple, et rare, d’extension de la conflictualité des deux cotés des murs, où la révolte crée des solidarités, et où les solidarités alimentent la révolte.

Disons encore que la violence de l’État n’est en rien « ponctuelle », encore moins « accidentelle », elle est structurelle et permanente. Elle vise, par les brutalités policières (meurtres, tabassages, mutilations…) mais aussi par les sentences de la justice et les peines de prison, à inspirer la terreur à toutes celles et ceux qui refusent les vies de misère qui nous sont imposées, à tou-te-s les récalcitrant-es et galérien-es indociles. La violence de l’État est la gardienne de la violence de tous les rapports sociaux existants, et pour se libérer de ceux-ci, il faut se débarrasser de celui-là.

N°4 – Poké-blues

lundi, septembre 19th, 2016

Troisième semaine de juillet. Je suis frappée par la vitesse du retour à la normale. Comme si le risque terroriste ne faisait  8d653dd6240b4951ef745905e393c77cqu’ajouter une couche de dépossession et d’angoisse à celles planant déjà au dessus de nos vies (rendues précaires par le fonctionnement quotidien du capitalisme, menacées par les pollutions industrielles tous azimuts…) : le fait qu’une centaine de personnes aient été tuées à moins de deux cent kilomètres ne semble pas perturber les activités des un-es et des autres, entre loisirs, travail et consommation(…). Les discours des tenant-es du pouvoir, qui se prétendent les « seuls-remparts-contre-la-barbarie » et exigent notre adhésion à leurs mesures sécuritaires (sous prétexte d’une protection toute relative) aurait-il mangé tout l’horizon ? Ces décalages entre la torpeur estivale et l’omniprésence des uniformes de tous poils (jusque sur les plages!!!), la banalité des activités quotidiennes et la menace terroriste sous-jacente, le calme relatif et la violence « ordinaire » des rapports sociaux, le durcissement sans fin des conditions de vie et l’indifférence générale a de quoi rendre chèvre. La découverte du phénomène « Pokémon » ajoute à ce tableau anxiogène la petite touche qui me fait péter un boulon.

Il pleut. Kiosque à musique, une trentaine de visages plongés sur des smartphones s’échangent astuces et bons plans. L’un d’eux rappelle que la sortie de « Pokémon » a été retardée suite à l’attentat de Nice: c’est la seule allusion au monde extérieur. Après la généralisation du téléphone portable (qui a introduit le fait d’être filmé-es, photographié-es, joignables H24…), après celle de Facebook et des autres réseaux sociaux (qui pourraient rendre obsolète l’idée même d’intimité), ce jeu banalise le fait d’être géolocalisable en permanence. Son plus  innovant : mélanger l’utilisation de la 4G, de l’appareil photo et du GPS pour superposer une dimension virtuelle à l’environnement physique dans lequel se déplacent les « dresseur-euse-s ». Et hop ! Une fois encore des technologies développées par et pour l’armée basculent dans le domaine civil par le biais des « loisirs », parvenant à généraliser des couches de surveillance que le pouvoir aurait eu du mal à rendre acceptables autrement. Ne pas participer à cette grande communion des connectées te rend au mieux « has been » au pire suspect… Des millions de personnes, toujours plus focalisé-es sur leurs écrans (ce qui  a déjà occasionné de nombreux accidents) pullulent dans les parcs où ils et elles effectuent des trajectoires identiques,  inspectant les buissons à la recherche des  petites créatures censées apparaître sur leur téléphone.  Ce jeu  qui « offre » à ces zombies une évasion dans une réalité virtuelle plus funky (quitte à ce qu’elles aient toujours moins de prises sur ce qui les entoure) et rassemble des individus sur des critères absurdes rend un peu plus lointaine la possibilité de rencontres basée sur des idées et/ou des colères partagées.

Rien de nouveau. L’État et le capitalisme marchent main dans la main pour vendre aux citoyens-consommateurs des« divertissements » (grands événements sportifs compris) calibrés pour désamorcer une partie des frustrations et des tensions liées aux vies de merde qu’ils nous imposent, et qui pourraient bien leur péter à la gueule, sinon. L’application, qui modifie les itinéraires et les habitudes de milliers de « dresseur-euse-s » vient offrir à ces crapules une occasion supplémentaire de transformer la ville afin de toujours mieux la contrôler (modification des flux piétonniers, changement des populations présentes à certains endroits, création de nouveaux points de rassemblements…).

L’envahissement de tous les domaines de notre vie par la technologie, difficilement évitable à l’échelle individuelle, est particulièrement palpable en ville. Politicien-ne-s et urbanistes en font l’élément vedette des prochaines transformations de Marseille, entre  « ville sécure » et « ville intelligente » (« safe », « smart » city).  Pas besoin de lire la propagande de ces chacals pour voir sous chacun de ces slogans de nouvelles couches de rénovation urbaine et d’expulsion des indésirables, de surveillance et de contrôle, d’aliénation et de dépossession. Leurs promesses ne font rêver que celles et ceux qui « réussissent » (beurk) dans ce monde de compétition et d’exploitation, qui ont le fric de vivre dans leurs quartiers innovants ou rénovés, et que le costume de cobayes ou de figurant-es évoluant dans un décor aseptisé ne dégoûte pas. Pour tous-te-s les autres (pauvres, révolté-es refusant de s’insérer…) la « ville du futur » a tout d’une prison à ciel ouvert… À titre d’exemple, la mairie prévoit de faire passer le nombre de caméras de 870 à 1000 fin 2016 puis 2000 fin 2020, et de leur adjoindre un logiciel de traitement des images qui (parole de flics) devrait permettre de « détecter les comportements suspects » (bruit trop fort, attroupement…) et même de « reconnaître et suivre les individus dangereux-se-s » (les fichés S par exemple).

Il n’y a pas de « bonnes » innovations, de technologie neutre, ni de « progrès » à attendre de celles et ceux qui voudraient nous faire vivre encagé-es. Pas plus que d’en-dehors (même virtuels) à ce monde régi par l’autorité. Attaquons sans attendre tous ce(ux) qui voudrai-en-t décider de nos vies à notre place, réduire nos intelligences, éteindre nos imaginations et entraver nos désirs de liberté ! Les outils que la domination déploie pour contrôler, espionner notre quotidien et dissuader toute révolte fonctionnent grâce à des dizaines de branchements, câbles, nœuds (trappes). Les flux énergétiques qui les irriguent, les laboratoires de recherche qui développent de nouvelles technologies et les installations qui leur permettent de fonctionner, les entreprises qui se font du beurre sur notre mise au pas forcée ne sont pas des algorithmes mais des entités palpables,  disséminées sur tout le territoire et vulnérables en tant que telles.

Que crève le meilleur des mondes !   

 


Zurich (Suisse)… Le 10 juillet 2016, les câbles à la base de l’antenne de Zurich—Waidberg (système radio d’urgence de la police de Zurich) « ont été livrés aux flammes, causant des centaines de milliers de francs suisses de dommages, et la mettant hors service pendant plusieurs jours (…) Le silence qui a suivi cette attaque a donc été la feuille de vigne qui a tenté de couvrir une vérité simple : la supériorité numérique et en armement ne comptent pas beaucoup face à l’intelligence et à l’ingéniosité humaines. Un noeud de câbles livré aux flammes au bon endroit et au bon moment par une personne singulière ont le pouvoir de désarticuler une armée entière, de transformer une situation qui peut sembler statique en quelque chose de nouveau, de différent et d’imprévisible. » [Extrait du texte: « Désarticuler le monde de l’autorité » dans le journal Dissonanz (Zurich) – Août 2016]. Quelques heures après ce bel incendie plusieurs perquisitions ont eu lieu mais n’ont pas permis aux flics de trouver le compagnon qu’ils recherchaient.  Bon vent! 

N°4 – Jamais en rang, jamais à genoux ! A bas toutes les armées !

lundi, septembre 19th, 2016

L’atmosphère est réellement irrespirable ces temps-ci: comme des vagues tempétueuses qui remuent la vase,  les sommations à se mettre au garde-à-vous derrière le drapeau national se succèdent. État d’urgence prolongé de mois en mois, durcissement continu du code pénal, pouvoirs sans cesse élargis de la police, perquisitions à tout-va et assignations à résidence distribuées à la pelle…

L’État, qui multiplie depuis des années ses interventions dans les guerres et les conflits aux quatre coins du monde (Afghanistan, Liban, Côte d’Ivoire, Centrafrique, Libye, Mali, Irak, Syrie…), à chaque fois pour consolider des positions jugées stratégiques et accompagner des logiques d’exploitation et de pillage des territoires, étend sa rhétorique et son arsenal de guerre ici même, au prétexte de la lutte « anti-terroriste » et de la chasse à l’« ennemi intérieur ».

Voilà donc que l’armée se réorganise autour d’un plan dénommé « Au contact », tout un programme… L’objectif affiché est de « faire face à une menace plus dure, plus diffuse, plus proche »,  mais aussi de « s’adapter au combat de mouvement, y compris en milieu urbain ». En d’autres termes, se déployer sur le territoire français, défini officiellement comme un terrain de guerre. L’État a lancé fin 2014 un programme appelé « Scorpion », afin de moderniser et d’optimiser ses capacités d’intervention militaire, tout en les rendant plus « souples » et « réactives ».  Ces plans viennent confirmer les perspectives développées depuis plusieurs années au sein de l’OTAN, tablant sur l’utilisation des armées dans des opérations de maintien de l’ordre de type contre-insurrectionnelles.

Le gros de l’armée de terre va désormais s’organiser autour de deux nouvelles divisions: la première et la troisième, dont les commandements sont respectivement basés à Besançon et à Marseille, représentant 25 000 militaires chacune, réparti-es en régiments. Hourra ! Hourra !, « Marseille redevient une place militaire de premier rang », « une véritable métropole militaire est née », s’écrie toute la fine fleur des passionné-es du militarisme, rédacteurs et journalistes aux ordres, celles et ceux qui déblayent le terrain avant que les bottes y prennent place. Ces larbin-es du pouvoir assurent même un rôle d’agence de pub pour les différentes campagnes de recrutement, avec ces derniers mois des appels renouvelés à s’engager dans la réserve opérationnelle, pour porter ses effectifs de 24 000 à 40 000.  Avec la réserve et, à terme, la Garde nationale*, c’est un pas de plus qui est franchi dans le processus de militarisation de la société: il ne s’agit plus des recrutements habituels pour stabiliser les effectifs d’une armée dite « de métier », mais bien de mettre en ordre de marche, de manière durable et intensive, une véritable offensive nationaliste et autoritaire. Non content d’exiger de chacun-e toujours plus de soumission, et de pousser les « citoyen-nes » à agir en auxiliaires de police (pensons aux Voisin-es Vigilant-es par exemple), l’État invite désormais les plus zélé-es à revétir directement l’uniforme. Pour ne rien gâcher, les différents supports de propagande mettent en avant l’idée de transposer dans les entreprises, donc au service de l’exploitation capitaliste, tout l’esprit militaire que les réservistes acquerront au cours de leur formation.

robert-doisneau-9Le 20 juin dernier, c’est tout un gratin de politiques, de soldat-es, d’officier-es et des mange-merde de la presse, 1400 personnes au total, qui se pavanait sur les pelouses du jardin du Pharo pour officialiser la création de la 3ème division, dont le quartier-général est installé au quartier Rendu à Sainte-Marguerite dans le 9ème arrondissement.

Marseille, « métropole militaire »? Mis à part tout le bruit fait autour de l’événement, celui-ci marque une étape supplémentaire dans le déploiement des uniformes, présents en masse depuis longtemps dans cette ville, à travers d’innombrables casernes et anciens forts militaires, le centre EPIDE* dans le 15ème arrondissement, le quartier de la Légion étrangère à Maldormé, les patrouilles de Vigipirate et de Sentinelle, dont les effectifs ont quasi-doublé après la tuerie de Nice. En réalité, c’est toute la région qui est saturée et en grande partie organisée autour de structures consacrées à la guerre: base aérienne à Istres, camps d’entraînement de Carpiagne et de Canjuers (le plus grand d’Europe, situé au nord de Draguignan), bases de Miramas, Nîmes, Hyères et de Fréjus, base navale de Toulon, et on en passe. Des structures qui sont souvent reliées par des moyens de transport spécifiques (voies ferrées, plate-formes portuaires, gares et routes spéciales) pour acheminer soldat-es et matériel.

Les soldat-es viennent resserrer les mailles du contrôle étatique, que ce soit pour verrouiller les frontières (entre Menton et Vintimille par exemple), ou au sein des métropoles, dans les rues et les gares, en complément des flics et autres vigiles, pour rendre plus compliquées certaines insoumissions quotidiennes (vols en magasins, fraudes…), et dissuader les velléités de révolte.

La guerre des puissant-es ne fait pas que des morts civils par centaines et par milliers, elle n’est pas qu’une machine à écraser les individus et de mise au pas des populations sous le sceau de l’autorité et de la hiérarchie, elle est aussi une manne économique énorme pour nombre d’entreprises de production d’équipements, de systèmes de renseignement et d’armement. Nous n’en citeront que quelques-unes ici: Bull, Nexter, Renault Truck Defense, Dassault, Thalès, le tout sous l’égide de la DGA (délégation générale à l’armement). Rappelons au passage que ces charognard-es comptent sur une myriade de sous-traitants pour arriver à leurs fins, et que cette production serait impossible sans tous les laboratoires de recherche (privée comme publique) qui perfectionnent les outils de mort.

L’armée prévoit déjà un « gigantesque salon militaire » l’an prochain à Marseille, « afin de marquer les esprits » et de « conforter le lien armée-nation ». Bloquer, perturber, empêcher concrètement cette parade qui vise tant le recrutement que la propagande, est une idée qui vient immédiatement à celles et ceux qui refusent obstinément d’être enrégimenté-es.

Pas question de suivre au pas leurs marches militaires morbides qui annoncent et alimentent autant de massacres que de soumission. Quand la sale ombre des képis s’étend, et que la mode du kaki devient virale, saboter en mots et en actes, dans la rue, avec entrain et imagination, tout cet immonde effort de guerre pourrait aussi être un terrain fertile pour propager nos désirs d’une liberté démesurée, sans nations ni États, sans limites et sans frontières.

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Notes :

*  La Garde nationale serait constituée de toutes les réserves des forces de police, de gendarmes et de militaires, comprenant agents à la retraite et volontaires civils, soit 200 000 personnes en tout. A titre d’exemple, la garde nationale américaine a été déployée aussi bien dans des guerres « extérieures », que pour mater des révoltes, comme celle de Ferguson en 2014.

*  Les centres Epide (pour Établissement Pour l’Insertion Dans l’Emploi) sont des sortes de maison de redressement que le pouvoir a créées pour y placer des « jeunes volontaires » (sic) susceptibles de trop développer leur allergie au travail, à la discipline scolaire et à l’obéissance. D’où un régime basé sur le port de l’uniforme, des horaires stricts et un encadrement en mode militaire. Le passage dans ces centres est censé déboucher sur un emploi ou une formation, en partenariat avec Pôle emploi.